Eglise Saint-Martin

Quelques informations sur notre église !

Ancienne chapelle Notre-Dame

L'église de Gouzon est modeste. Cependant, elle mérite l'attention par le caractère exemplaire des choix architecturaux (voûtes à liernes, supports suspendus sur des consoles) et par le soin exceptionnel apporté au décor (trois portails, une rose en façade, sans compter une exceptionnelle statue de la Vierge à l'intérieur). Ces traits s'expliquent par trois facteurs, tous révélateurs des formes du dynamisme du XIIIème siècle : la proximité de chapelles templières gothiques, la dévotion à la Vierge et le développement d'un bourg marché.

La volonté de bâtir un oratoire donnant sur une Grand-Place est manifeste : cependant, en l'absence d'éléments historiques précis, on ne peut saisir exactement la nature de la commande ou sa date. Liée -à une seigneurie importante, dotée de privilèges depuis 1279, la petite ville murée représente une enclave de la seigneurie du Bourbonnais au cœur de la Combraille- S'y est implanté, au XIème ou XIIème siècle, un prieuré de Lesterps. Il est peu probable cependant que notre édifice en soit un vestige. En effet, il existait aussi, à une centaine de mètres au nord-ouest, une église paroissiale dédiée à saint Martin de Tours dont les chanoines de Lesterps sont longtemps restés les patrons (souvenir d'un prieuré cure) ; on voit encore l'arrondi d'une absidiole romane inséré dans un groupe de maisons particulières. D'autre part, le pouillé du diocèse qualifie simplement Notre-Dame de Q chapelle ruralef.

Avatars du bâtiment

Vers 1820, la municipalité décide le transfert de l'activité paroissiale « dans une spacieuse chapelle située sur la grande place », qui servait alors de prison. Le curé la juge cependant trop petite et trop dégradée ; aussi la translation, qui concerne également le vocable (donc Saint-Martin), s'est-elle accompagnée de travaux importants, terminés en 1828 : ajouter une abside et des cloches paraissait indispensable. Les modifications apportées alors au volume et aux articulations, dont l'étude est essentielle pour comprendre la structure d'origine, n'étaient pas les premières. A une époque indéterminée, on avait surélevé la hauteur de l'ensemble de près de 5 m, ce qui avait donné cette silhouette imposante, emblématique aujourd'hui pour la ville de Gouzon, mais très gênante pour imaginer la cohérence ou établir des comparaisons.

Architecture et décor

Les devis de 1824 sont explicites. Ils établissent les mesures des percements, tant à l'ouest pour faire passer les cloches, qu'à l'est pour créer une « demi-lune » ou dans la paroi nord. Lorsqu'on décida finalement de ne pas loger une chapelle supplémentaire entre les deux contreforts médians, mais de la repousser vers l'est en position de faux transept, ne laissant pour la sacristie qu'une faible largeur, on se prononça également pour un allongement de l'abside, « de manière à laisser à la nef la longueur entière de l'ancienne chapelle » : celle-ci ne comportait donc que les trois travées que nous voyons encore, et se terminait par un chevet plat.

Le volume quadrangulaire calé entre deux pignons, les lancettes étroites en meurtrières cintrées dans une pierre de linteau, le contrefort escalier de l'angle, ou les contreforts de façades, encore simples, sont communs en Haute Marche. Cependant, le caractère sommaire de la définition architecturale n'exclut pas une certaine ampleur monumentale : les travées mesurent 6,75 m en largeur et 7,10 m en moyenne en longueur, ce qui est bien supérieur aux dimensions des travées de Blaudeix ou Paulhac. Ogives, liernes, doubleaux et formerets de même profil (tore dégagé de légers cavets) créent une suite de baldaquins qui retombent sur les tailloirs semi-octogonaux des chapiteaux de colonnettes simples juchées sur des consoles.

Les clefs de voûte sont sculptées : la première, entourée d'une corde tressée fleurdelisée, présente une Vierge un peu raide tenant une  fleur de lys, et à sa gauche, l'Enfant avec un nimbe crucifère et un  livre ; les suivantes sont en roues de feuillages. Des petites clefs  secondaires, à l'intersection entre doubleaux et liernes, constituent un  décor rare en Limousin C'est bien le souci

 

décoratif qui distingue cette église de ses voisines. Au portail occidental s'ajoutent un portail ménagé au centre de la façade sud et une petite porte, au nord, dont les moulurations réduites suffisent à accepter quelques chapiteaux à crochets, et qui est surmontée par deux éléments sculptés en remploi. Les deux portails monumentaux, où est utilisé avec adresse le corpus régional, sont traités de la même façon : nombreuses moulurations toriques des voussures légèrement brisées correspondant à autant de colonnettes de piédroits, frises de boutons ou crochets végétaux, archivolte prolongée latéralement par des arcs étroits et surhaussés. Celui du sud est plus simple, mais il a contraint l'architecte à écarter les contreforts, qui ne sont donc pas exactement centrés par rapport aux articulations intérieures. Celui de l'ouest est plus élaboré : les frises de boutons végétaux particulièrement délicats se poursuivent jusqu'aux contreforts; l'archivolte est ornée de plusieurs motifs (dont un cordon tressé) et s'appuie sur des visages. Enfin une rose octolobée à la circonférence importante surmonte l'entrée principale.

Interprétation

La datation est difficile, bien que les éléments non repris par les restaurateurs soient très homogènes. Les frises végétales du portail ouest très proche de ce que l'on trouve à Saint-Yrieix (au nord) ou  Saint-Léonard (à l'ouest), comme les nervures et leurs clefs, inviteraient à ne pas trop s'éloigner du début du XIIIe siècle, mais les tailloirs et le contrefort escalier conduiraient plus tard. La construction a-t-elle accompagné l'émancipation de la ville? Était-elle destinée à servir d'écrin à la belle Vierge de calcaire (XIVe siècle) que l'on peut toujours admirer ?

Se pose le problème des fonctions du monument, en liaison avec ses multiples accès : sachant qu'il n'y avait pas de clocher à l'époque de la Révolution et que l'habituel oculus de première travée était remplacé par l'effigie de la Vierge, on peut se demander par exemple quel était l'intérêt de l'escalier en vis avant la surélévation par un grand comble 

Au total on aura reconnu les caractères communs aux églises austères de Haute-Marche, mais c'est avec les chapelles des templiers (Paulhac, Blaudeix, Charrière) que la similitude est la plus étroite. Deux autres églises portent des liernes recoupant l'ensemble de leurs voûtes: Coyroux  plus ancienne, et Saint Quentin, plus récente. La chapelle de Charrière, pourtant géographiquement éloignée, présente avec celle de Gouzon bien des points communs : trois travées seulement, plus amples (plus de 6 m de large, 6.60 m de long en moyenne) un portail avec des archivoltes latérales reposant sur des  masques. Cependant, les choix de modernité y sont comme inversés : les baies uniques des pignons ont une archivolte en sourcil soulignant les ébrasements extérieurs en plein cintre, les tailloirs droits et consoles se réfèrent au premier gothique, mais les ogives et liernes sont taillés en amande et les crochets végétaux extérieurs paraissent plus charnus—————

Lors du transfert et de l'agrandissement de l'église sont mentionnés des réparations au plâtre pour des nervures et des percements dans les voûtains de l'ouest pour les contrepoids de l'horloge, indices de l'authenticité des voûtes. En revanche, les baies sont entièrement refaites à l'intérieur. Le portail sud a été longtemps muré, sans doute depuis l'aménagement de la route royale de Limoges à Moulins.

Source - Bulletin municipal de la ville de Gouzon 2006

 

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